Un ancrage historique : le bridge s’impose à Nantes et ses alentours


  • Le bridge n’est pas qu’un jeu d’esprit : il est, pour bon nombre de Nantais et habitants de Loire-Atlantique, vecteur de liens et d’histoires. Dès les années d’après-guerre, le département s’impose comme un territoire fertile pour les passionnés de cartes. Saviez-vous par exemple que le tout premier club officiel de Nantes – le Nantes Bridge Club – a vu le jour en 1947, quelques années après la création de la Fédération Française de Bridge (source : archives FFB) ? À l’époque, ils sont une poignée à se retrouver dans les salons feutrés de l’hôtel de France, à deux pas de la place Graslin. Une ambiance à la fois élégante et studieuse, entre tournois improvisés, rivalités bonhommes et parties jusque tard dans la nuit.

    Peu à peu, autour de Nantes, le bridge se diffuse : il s’installe dans les salons particuliers, puis dans les locaux associatifs, gagnant les quartiers populaires et s’étendant sur l’ensemble de la métropole, de Saint-Herblain à Vertou. À la fin des années 70, les archives de la Ville de Nantes évoquent une pratique dynamique : déjà une dizaine de structures et 500 licenciés enregistrés à la FFB. Signe de vitalité, chaque mois de juin voit naître le tournoi « de la Saint-Jean », qui rassemble alors une centaine de tables, et où la réputation de l’accueil nantais n’est plus à faire.


Des records et des exploits locaux à faire rougir les fédérations


  • La Loire-Atlantique n’est pas seulement un vivier de passionnés : elle a parfois brillé par ses records et ses innovations. Ainsi, en mai 1995, le club de Pornichet bat le record du département avec un tournoi simultané de 120 tables, mobilisant plus de 480 joueurs : un exploit logistique pour l’époque, ayant même nécessité la mobilisation de la salle des sports et l’appui des commerces locaux (Ouest-France, édition du 27 mai 1995).

    Autre temps fort qui fait la fierté des habitués : l’organisation régulière de « marathons de bridge » au Bridge Club de Saint-Nazaire. La première édition, en 2001, comptabilise un peu plus de 24h de jeu consécutives, avec une trentaine de participants à l’endurance redoutable, défiant fatigue et concentration pour la bonne cause, car l’événement était alors organisé au profit d’associations caritatives locales.

    Des talents locaux au rayonnement national

    L’épopée de la famille Savary, bien connue des clubs de Nantes et La Baule, marque toute une génération. Pierre Savary, premier nantais sélectionné en équipe de France junior dans les années 1980, n’a jamais manqué de mettre à l’honneur la formation brève et la convivialité qui caractérisent les clubs du département. Selon la revue Le Bridgeur de 1983 : « On ne compte plus les podiums glanés aux nationaux mixtes par les duos venus du 44 ».


Traditions festives et histoires de personnages hauts en couleurs


  • Si l’on cherche ce qui distingue le bridge en Loire-Atlantique, ce sont ses traditions festives et ses personnalités inoubliables. La palme de l’originalité revient sans doute au tournoi « Costume et Fantaisie » initié par le Bridge Club de Guérande dans les années 2000 : chaque joueur était invité à venir déguisé, et les meilleures tenues étaient récompensées. Résultat : tables de pirates contre mousquetaires, ambiance décontractée et fous rires garantis – au grand bonheur des organisateurs qui voyaient là un moyen d’accueillir nombre de débutants dans une atmosphère libérée des classiques codes du silence et de la compétition stricte.

    Impossible aussi de ne pas citer l’indémodable « Claude B. », personnalité de la presqu’île guérandaise, connu pour ses annonces décalées en tournoi. Un jour d’avril 2008, face à une main improbable (cinq trèfles, six cœurs, douze points d’honneur…), il annonce « 6 SA » sans sourciller, entraînant toute la salle dans un éclat collectif. La légende dit que son partenaire en rit encore.

    • Déguisements et tournois thématiques : spécialité du club de Trentemoult, avec des tournois sous le thème des années 60, où l’on joue au « swing bridge » accompagné de vinyle et chansons d’époque.
    • La galette des rois version bridge : tradition incontournable à Bouguenais, où la fève permet de remporter… une initiation gratuite pour ses amis non encore joueurs.
    • Tournois extérieurs au grand air : Les bords de l’Erdre accueillent chaque année, depuis 2014, un tournoi « plein air » réunissant clubs nantais et particuliers, pour montrer que le bridge peut aussi se conjuguer avec convivialité et dolce vita au bord de l’eau.


Le bridge et la solidarité locale : cartes sur table contre l’isolement


  • L’histoire du bridge dans le 44, c’est aussi celle d’une mobilisation face aux enjeux sociaux : partout dans le département, des clubs ont joué un rôle de rempart contre l’isolement. L’association « Bridge et Partage » à Saint-Sébastien-sur-Loire, créée en 2010, a mis en place des « ateliers de mémoire » pour les seniors, où la carte devient un outil de prévention du vieillissement cognitif. Ce sont plus de 50 rendez-vous organisés chaque année, salués dans les colonnes de La Lettre du Bridge.

    La crise sanitaire de 2020 a également vu les clubs du département innover pour maintenir le lien : organisation de tournois en ligne interclubs, plateformes de visioconférence pour garder le contact, et distribution de jeux de cartes personnalisés aux membres isolés. Le Bridge Club de Nantes a même développé un partenariat inédit avec la médiathèque pour du « bridge à distance », une première en France (source : Newsletter FFB Loire-Océan 2021).


Des initiatives intergénérationnelles qui dynamisent le jeu


  • L’énergie du bridge en Loire-Atlantique, c’est aussi celle qui traverse les âges ! Depuis 2009, le « Challenge Jeunes-Cadets » fait s’affronter des équipes mixtes composées de juniors – souvent venant du lycée Clémenceau ou Jules Verne – et de « parrains » seniors aguerris. La formule plaît : en 2023, le tournoi réunit 42 paires mixtes, avec des prix à destination des meilleures équipes « famille » – et plusieurs témoignent que c’est ici qu’ils ont eu la révélation du jeu de la carte.

    Au fil des ans, cette ouverture a favorisé l’arrivée de nouveaux profils : en 2017, on compte ainsi plus de 150 jeunes licenciés dans le 44, alors qu’ils étaient moins d’une dizaine en 2000 (source : Comité de Bridge de l’Anjou et Départements Associés). Les écoles de bridge, animées par des bénévoles passionnés, sont sollicitées tant par les scolaires que par les adultes souhaitant découvrir les subtilités du jeu. Un succès qui place la Loire-Atlantique dans le top 10 français en termes de croissance du nombre de jeunes licenciés sur la décennie 2010-2020.


Quand la Loire-Atlantique inspire l’innovation : bridge et nouvelles pratiques


  • Le bridge dans le département n’a jamais hésité à sortir des sentiers battus : dès 2012, le club de Rezé a lancé les « Bridges-Express », des tournois sur un format raccourci pour attirer les actifs, permettant de disputer une soirée complète en 2h chrono. Le succès est au rendez-vous, si bien que d’autres clubs de la région s’en inspirent pour dynamiser leur fréquentation en semaine.

    • Bridge et patrimoine : Des visites guidées de Nantes suivies par un tournoi dans un lieu historique, tradition instaurée par le club « Bridge et Culture » depuis 2017.
    • Découverte du bridge pour tous : Les rendez-vous « Découverte sur l’herbe » permettent d’installer des tables dans les parcs publics de Saint-Nazaire et d’ouvrir le jeu aux badauds, curieux, petits et grands…
    • Partenariats inédits : Coopération avec des associations culturelles et sportives, organisation de tournois-voile avec les clubs nautiques de La Baule ou Pornic.


L'héritage vivant d’une passion partagée


  • Loin des clichés et des images réservées aux salons feutrés, le bridge en Loire-Atlantique se raconte à travers des récits de passions quotidiennes, de défis relevés collectivement, et d’innovations qui font école. Des records de fréquentation à l’engagement solidaire, des initiatives éducatives à la créativité festive, les anecdotes et exploits du bridge local témoignent d’un jeu en perpétuel mouvement, aussi convivial qu’exigeant, et capable de fédérer toutes les générations. Une belle façon d’illustrer que, ici, chaque donne ne tient pas qu’à la chance, mais aussi à l’enthousiasme d’une communauté qui aime partager, transmettre… et se dépasser ensemble.

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